Portrait de femme: Viola Desmond

20 novembre, 2020

Nouvelle

Dans les annales de la ségrégation raciale canadienne, Viola Desmond est une figure emblématique d’un temps où la vie des Noirs était un perpétuel combat. 

C’est en 1946, au Roseland Theatre à New Glasgow en Nouvelle-Écosse, que Viola Desmond à marquer le temps en refusant de quitter, dans un cinéma, une section réservée seulement aux Blancs. Cet incident souligne bien les entraves quotidiennes que devaient subir les Noirs, dans l’histoire assez récente du Canada. 

Viola Desmond (née Davis) est née le 6 juillet 1914. La mère de Viola Desmond était la fille d’un pasteur baptiste “blanc aux 7/8” tandis que le père de Viola était un homme noir. L’union des parents de Viola, en 1908, était considérée comme un mariage interracial. Viola Desmond, malgré sa pâleur de peau, fréquenta les écoles ségréguées pour Noirs de la Nouvelle-Écosse puisqu’un acquis du temps de l’esclavage atteste que si vous avez quelque part d’un ancêtre Noir, vous êtes Noirs. 

En grandissant, Viola fait le constat que les services de beauté, pour la peau et capillaires, sont déficients pour sa communauté. Toutefois, les origines noires de Viola l’empêche d’avoir une formation d’esthéticienne adéquate à Halifax, elle dut donc prendre la route et apprendre son futur métier dans les écoles de Madame C.J. Walker, la première femme noire millionnaire aux États-Unis. Elle créa finalement sa propre marque V’s Beauty Products. Après avoir ouvert son propre studio, elle inaugurera le Desmond School of Beauty Culture qui ouvrira ses portes aux étudiantes noires en Nouvelle-Écosse, au Nouveau Brunswick et au Québec. 

C’est lors de ses nombreux voyages d’affaires, le 8 novembre 1946, que sa voiture tombe en panne à New Glasgow. Forcée d’attendre, elle décide d’aller voir un film au majestueux Roseland Theatre. Elle demande un billet au parterre. La caissière lui remet une place pour le balcon. Viola Desmond prend place dans les sièges principales du théâtre. De là, on l’interpelle lui signifiant qu’elle doit se rendre au balcon, place désigner pour les Noirs. Elle refuse de s’y conformer.

Viola sera emprisonnée une nuit, douze heures, en compagnie d’autres détenus masculins. Le jour suivant, le 9 novembre 1946, elle comparaitra devant le magistrat, sans avocat, sans qu’on lui lise ses droits. Viola Desmond fut accusée d’avoir enfreint une législation encadrant les Theatres, Cinemas et Amusements. Comme cette loi n’évoquait pas clairement la ségrégation, on l’accusa publiquement de ne pas avoir couvert les taxes de son billet. Elle fut condamnée à payer 26 $ pour ne pas passer un mois en prison. L’affaire fera grand bruit et les titres des journaux de la province maritime. Malgré les efforts déployés par la communauté noire de la Nouvelle-Écosse pour appuyer son appel, Viola Desmond n’a pas réussi à se départir des accusations portées contre elle, et a vécu le reste de ses jours sans absolution.

C’est seulement quarante-cinq ans après sa mort, en 2010, que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a formellement formulé des excuses à la famille de Viola Desmond. Une prérogative royale de clémence a également été offerte par la lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, l’honorable Mayann E. Francis, une femme noire d’un père Cubain et d’une mère de l’île d’Antigua, qui a reconnu que Desmond était innocente et que sa condamnation avait été une erreur.

En 1954, la ségrégation prend officiellement fin en Nouvelle-Écosse, en grande partie grâce à la détermination et au courage de Viola Desmond et d’autres, qui comme elle, se sont battus pour être traités comme tout autre être humain.

Des décennies après sa mort, l’histoire de Viola Desmond revient dans l’œil du public:

  • En 1945, Viola Desmond se voit récompenser par le prix Montreal Orchid School of Beauty Culture
  • En 2010, la chaire de recherche en justice sociale Viola Desmond est établie à l’Université du Cap-Breton
  • En 2012, Postes Canada lance un timbre-poste à son image
  • En 2016, Une Minute du patrimoine raconte l’histoire de Viola Desmond lors du Mois de l’histoire des Noirs
  • Le 8 mars 2016, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, on annonce que Viola Desmond figurera sur le billet de dix dollars
  • En mars 2016, le ministre des communautés, de la culture et du patrimoine ainsi que le ministre des affaires afro-néo-écossaises annonce que le nouveau traversier Halifax Transit sera baptisé “Viola Desmond”
  • En 2017, Viola Desmond est intronisée à l’Allée des célébrités canadiennes dans la catégorie Philanthropie et sciences humaines. 
  • En janvier 2018, le gouvernement canadien la nomme « personne d’importance historique nationale »
  • Le 19 novembre 2018, le billet de 10 dollars orné du portrait de Viola Desmond est émis. Celui-ci comporte également une carte du quartier nord d’Halifax où Viola Desmond a vécu et travaillé, ainsi qu’un extrait de la Charte canadienne des droits et libertés : «  La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination […] ». Une image du Musée canadien pour les droits de la personne figure au verso du billet
  • En avril 2019, le billet de 10 dollars orné du portrait de Viola Desmond remporte le prix du billet de banque de l’année 2018, décerné par l’International Bank Note Society

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