Parce que le travail invisible, ça compte !
À l’occasion de la 22e Journée du travail invisible, l’Association féministe d’éducation et d’action sociale (Afeas) demande aux gouvernements du Québec et du Canada de reconnaître ce travail en décrétant une Journée nationale du travail invisible le premier mardi d’avril. Après deux années de pandémie, la reconnaissance et la valorisation du travail invisible sont des enjeux encore plus cruciaux pour l’atteinte de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nos demandes répétées à cet égard depuis 2001 seront-elles enfin entendues ? Sans une reconnaissance sociale, politique et économique, le travail non rémunéré demeure invisible et est un des facteurs de la pauvreté des femmes tout au long de leur vie.
Un travail non reconnu
Selon une étude de Statistique Canada, la valeur économique du travail ménager non rémunéré canadien se situe entre 516,9 et 860,2 milliards de dollars en 2019, soit entre 25,2 % et 37,2 % du produit intérieur brut (PIB). Ce pourcentage est supérieur à la contribution de tous les sous-secteurs de la fabrication, du commerce de gros et du commerce de détail combinés. L’étude souligne aussi que « la pandémie de COVID-19 a accru le besoin de quantifier la valeur du travail ménager non rémunéré en faisant ressortir l’importance de ces activités pour le fonctionnement de la société et de l’économie canadiennes. » Il est donc essentiel que Statistique Canada évalue régulièrement ce travail essentiel au même titre que les autres secteurs économiques.
Exacerbé par la pandémie
Reconnu par l’ONU en 1975, le travail non rémunéré a connu des sommets vertigineux depuis le début de la pandémie. Avec l’urgence sanitaire et le confinement, les femmes, plus que les hommes, ont pris en main l’école à la maison, les travaux domestiques, les soins aux proches dans le besoin, tout en poursuivant leur emploi en télétravail lorsqu’elles ne l’avaient pas perdu. Selon le Conseil du statut de la femme, la pandémie a permis de jeter un regard pointu sur les effets de la sous-valorisation historique des emplois du care, car liés au travail non rémunéré traditionnel des femmes.
Des impacts majeurs pour les femmes
Le partage inégalitaire du travail non rémunéré au sein des familles désavantage les femmes au moment d’accepter des promotions ou même, dans plusieurs cas, de travailler à temps plein ou même à temps partiel. Avec la pandémie et la perte massive d’emplois dans les métiers non essentiels, les femmes sont celles qui ont perdu le plus. En janvier 2021, selon la Banque royale, quelque 500 000 femmes, ayant perdu leur emploi à cause de la COVID-19, n’étaient toujours pas revenues en emploi.Les 2/5 d’entre elles feraient maintenant partie des chômeuses à long terme. Ces pertes d’emploi combinées au manque de places en services de garde ont, entre autres, ramené les femmes dans la sphère privée et ont fait reculer plusieurs gains au niveau de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Une reconnaissance essentielle
Combien de temps encore faudra-t-il attendre pour une reconnaissance tangible de ce travail ? La pandémie ne nous a-t-elle pas fait voir combien tout ce travail de soins est essentiel à la société ? Comment résorber ce retour en arrière, tout en mettant en place les mesures sociales et économiques nécessaires pour en finir avec l’appauvrissement des femmes ? Il est essentiel que les gouvernements du Québec et du Canada mettent en place des mesures spécifiques et adaptées afin de s’assurer que la relance post-pandémique ne nuise pas aux femmes, mais au contraire qu’elle reconnaisse le rôle essentiel du travail invisible, encore majoritairement accompli par les femmes. Diverses mesures nécessaires pour reconnaître ce travail invisible ont d’ailleurs été identifiées par l’Afeas et ses partenaires du Comité inter-associations pour la valorisation du travail invisible dans le manifeste pour la valorisation du travail invisible.
Signataire : Lise Courteau, présidente de l’Association féministe d’éducation et d’action sociale (Afeas