Le travail invisible et moi

6 avril, 2021

Nouvelle

Blogue de la présidente, 6 avril 2021

Eh oui ! Comme tout le monde, j’effectue moi aussi mon lot de travail invisible. Tous les « … age » y passent : ménage, lavage, époussetage, balayage, etc. Plusieurs me disent : « Tu ne dois pas avoir beaucoup de ménage à faire, vous êtes seulement deux et votre maison est petite ! » Que nous soyons seulement deux dans la maison ou que la maison soit petite, est-ce que cela signifie que la poussière se pose moins sur les meubles, ou que je dois me taper à moi toute seule tous ces « …age » ? J’ose espérer que tout le monde a répondu de concert un gros NON. Bien sûr, mon conjoint en fait une partie, mais même dans mon couple, comme dans une majorité de couples, une grande partie de ce travail m’est dévolu. Mais les choses commencent à changer. Moi et mon conjoint en parlons de plus en plus et il se rend compte, à force d’en parler, que chez nous l’inégalité règne dans l’exécution des tâches domestiques. Du travail reste à faire !

Le travail de proche aidante

Il y a quelques années, mon conjoint a subi deux opérations pour les hanches. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai appris, quelques heures avant sa sortie de l’hôpital lors de la première opération, que je devais lui administrer des piqûres et lui enfiler un bas de contention qui partait du pied jusqu’au haut de la cuisse, et ce, avant qu’il ne se lève le matin. Mon tout premier travail de proche aidante pour lui. Combien d’argent j’ai fait économiser à la société ? Je ne le sais pas, mais qu’on ne vienne pas me dire que ce travail n’a pas de valeur monétaire. Si un infirmier ou une infirmière était passée à la maison à tous les jours pendant un mois pour chaque opération pour faire ce travail, la valeur de celui-ci serait incluse dans le Produit intérieur brut. Pourquoi, encore aujourd’hui, lorsque c’est moi qui le fais, celui-ci demeure invisible ? Du travail reste à faire !

Le travail invisible et la pandémie

Cette pandémie qui nous frappe depuis plus d’une année a permis une certaine prise de conscience face au travail invisible que les femmes accomplissent jour après jour. Cette prise de conscience s’est amorcée au début de la pandémie. De façon constante, nous avons entendu la détresse et l’essoufflement des femmes, les difficultés qu’elles vivent en jonglant avec la conciliation famille-travail-études, le télétravail, l’école à la maison ou encore le manque de place en garderies. À mon avis, je constate que plus le temps passe, moins on en parle. Comme si elles étaient toutes retournées dans l’invisibilité. Du travail reste à faire !

Le travail invisible et le bénévolat

Vous aurez certainement compris que le bénévolat occupe une place importante dans ma vie. J’ai choisi de faire ce travail à cause de mes convictions. Bien sûr, cela demande de la disponibilité. Je suis convaincue que toutes les personnes qui ont choisi de faire du bénévolat c’est qu’elles ont une cause qui mérite leur attention et les heures qu’elles y consacrent. On peut certainement se demander ce que nous ferions s’il n’y avait pas de bénévoles. Tous ces services offerts sans rémunération font économiser beaucoup d’argent à la collectivité. Et sans les bénévoles, qui paierait pour les services qui sont rendus ? Du travail reste à faire !

Du travail reste à faire !

Même si la situation des femmes canadiennes a beaucoup évolué depuis 50 ans sur cette question, prenons conscience que sans ce travail invisible, de très nombreux services n’existeraient tout simplement pas et que des pans entiers de l’économie s’effondreraient. En 1992, pour répondre à ses engagements internationaux, le Canada comptabilise et évalue le travail non rémunéré des Canadiennes et des Canadiens et l’intègre dans les comptes satellites compatibles avec les comptes nationaux du pays. Malheureusement, cet exercice n’a pas été refait depuis.

Depuis plus de cinquante ans l’Afeas travaille sur cet enjeu majeur. Tout le travail invisible, en majorité exécuté par des femmes, mérite plus que de simples tapes dans le dos comme signe de reconnaissance. Il est temps que les décideuses et décideurs du pays le reconnaissent et prennent les mesures qui s’imposent en créant une Journée nationale du travail invisible le premier mardi d’avril de chaque année et en intégrant les heures qui y sont consacrées au Produit intérieur brut.

Lise Courteau, présidente de l’Afeas

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