Dans le cadre de la 24e Opération Tendre la main, l’Afeas rend hommage à Joyce Echaquan

25 novembre, 2020

Nouvelle

Aujourd’hui débute la 24e édition de l’Opération Tendre la main de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (Afeas). Créée en 1997, cette opération annuelle vise à dénoncer les différentes formes de violence envers les femmes et les filles, des violences quotidiennes, sournoises et combien destructives. Notre campagne de sensibilisation et d’éducation se déroule chaque année entre le 25 novembre et le 6 décembre.

En 2020, sous le thème Portons le ruban blanc!, l’Afeas invite toute la population à porter le ruban blanc en forme de « V » inversé pour dire « La violence, assez, c’est assez! ».

Hommage à Joyce Echaquan

Dans le cadre de l’OTM 2020, l’Afeas rend hommage à Joyce Echaquan, décédée en septembre dernier dans des conditions inadmissibles. Nous soulignons l’intelligence et le courage de cette femme, mère de sept enfants, épouse, sœur, tante, et peut-être déjà grand-mère. Elle a eu la présence d’esprit et la force de filmer et de transmettre en direct ce qui lui arrivait à l’hôpital où elle s’était rendue pour des soins nécessaires à sa condition de santé. Son décès et les conditions dans lesquels ils se sont déroulés, nous ont laissé sans mot, sous le choc. Comment un tel événement a-t-il pu se produire au Québec en 2020 ? Les différentes enquêtes en cours doivent apporter des réponses claires sur les circonstances, médicales et humaines, de son décès et sur la situation des services aux personnes autochtones à l’hôpital de Joliette. Sa famille et sa communauté attendent des enquêtes impartiales et des recommandations concrètes auxquelles des personnes de leur communauté participeront.

Discrimination systémique et violence institutionnelle

Quand on lit le rapport de l’AFFENDA pour le Québec et celui de la Commission Viens, on ne peut que constater, dans l’histoire des relations entre les gouvernements fédéral et provincial et les nations autochtones, les marques indélébiles d’un colonialisme agressif, d’un désir d’assimilation et d’une discrimination envers les populations des Premières Nations. Bien plus, en écoutant les témoignages concrets de victimes, de leurs proches et même de certain.e.s intervenant.e.s, nous pouvons en constater l’ampleur.

Au terme de l’exercice, il me semble impossible de nier la discrimination systémique dont sont victimes les membres des Premières Nations et les Inuit dans leurs relations avec les services publics ayant fait l’objet de l’enquête (dont les services de santé et les services sociaux). Commission Viens, rapport final, page 215.

L’hôpital de Joliette avait été particulièrement ciblé par le rapport de la Commission Viens, mais aucune des recommandations à son égard n’avait été mise en application au moment du décès de Joyce Echaquan. Est-ce par oubli, par désintérêt, par manque de temps et de savoir faire? Pourtant, il y a longtemps que cette situation perdure comme en témoigne cette infirmière à la retraite.

Il y a cinquante ans ce mois-ci, j’arrivais à Obedjiwan, communauté Attikamek située en haut du réservoir Gouin, en Abitibi.  J’y ai travaillé deux ans comme infirmière. Quand quelqu’un devait être hospitalisé, nous l’envoyions à l’hôpital de Joliette. L’avion conduisait la personne à St-Michel-des-Saints et, de là, l’ambulance l’amenait à l’hôpital. Ils étaient souvent mal reçus. Le 28 septembre, on annonçait la mort de Mme Joyce Echaquan. Voilà, ça n’a pas changé. (…) Nicole Medzalabanleth, fille de Clarence, Abénaki (Journal Le Manic, Lettre ouverte – extrait, octobre 2020)

Il faut maintenant nommer les situations problématiques, car cela permet de reconnaître le tort qu’ont subi les victimes et de changer les comportements néfastes. À l’hôpital de Joliette comme dans d’autres institutions du réseau de la santé et des services sociaux, il existe une violence institutionnelle qui se définit comme suit : 

(…) toute action exercée par des membres de l’institution, directement ou indirectement, physiquement ou moralement, par l’usage de la force ou par la force de l’inertie, voir également par la non-prise en compte des incidences des actions menées et l’absence d’analyse et de traitements des difficultés existantes, et ayant des conséquences néfastes sur un individu ou sur une collectivité. Marielle Vicet, Les cahiers de PV, mars 2011, page 104.

Un appel à l’action

Dans le cadre de la 24eédition de l’Opération Tendre la main, l’Afeas lance un appel à l’action pour que soit adopté le Principe de Joyce d’ici le 6 décembre 2020, Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Pourquoi attendre encore?

Le Principe de Joyce vise à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.

Le Principe de Joyce requiert obligatoirement la reconnaissance et le respect des savoirs et des connaissances traditionnelles et vivantes des autochtones en matière de santé. Principe de Joyce, Mémoire, Novembre 2020, page 10

Cet appel à l’action s’adresse :

  • aux gouvernements du Québec et du Canada, tout comme aux institutions chargées d’offrir des services de santé de qualité, en quantité suffisante à tous, notamment aux populations autochtones quel que soit le lieu où elles habitent ;
  • aux professionnel.le.s et intervenant.e.s du réseau de la santé pour que cesse la discrimination et la violence envers les personnes des communautés autochtones.

En terminant, ayons une pensée pour les 17 femmes et les 7 enfants tués par un proche dans la dernière année

Dahia Khellaf (42 ans) et ses fils, Adam et Askil (4 et 2 ans), Astrid Declerck (48 ans), Jaël Cantin (33 ans), Marylène Lévesque (22 ans), Vanessa Primeau (23 ans), Femme de 53 ans, Océane Boyer (13 ans), Céline Labelle (54 ans), Marguerite Lamonde (69 ans), Francine Brière (74 ans), les sœurs Romy et Norah Carpentier (6 et 11 ans), Suzanne Desjardins (57 ans), Femme de 57 ans, Huiping Din (45 ans), Diane et Sylvie Labelle (57 et 61 ans), Femme de 61 ans, les frères Alex et Olivier (2 et 5 ans de Wendake), Bonnie-Lynn Finnigan (62 ans), Suzanne Clermont (61 ans). Liste compilée par Martin Dufresne, 31.10.2020

Ensemble, portons le ruban blanc pour Joyce Echaquan et pour toutes les femmes et les enfants tués dans des circonstances inacceptables !

Pour couronner l’Opération Tendre la main, l’Afeas invite l’organisation Mikana à nous parler des réalités vécues par les femmes autochtones, notamment en termes des violences qu’elles subissent de manière disproportionnelle. Inscrivez-vous pour en apprendre plus sur les situations problématiques qui persistent au Québec et au Canada et qui continuent de marginaliser les personnes autochtones et les mettre en danger. Ce webinaire fournira également des pistes pour apprendre à être de meilleures alliées pour les femmes et les personnes autochtones. L’atelier est ouvert aux membres Afeas ainsi qu’aux non-membres et aura lieu sur Zoom, dimanche le 6 décembre à 11h am : Inscrivez-vous!

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