Portrait de femme: Dorimène Desjardins

19 août, 2020

Nouvelle

Dorimène Desjardins est la cofondatrice des caisses avec Alphonse Desjardins, son époux. Mais le plus inusité dans cette histoire, est que Dorimène Desjardins a cofondé les Caisses populaires Desjardins, à une époque où les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire à leur nom sans la permission de leur mari.

Marie-Clara Dorimène Roy-Desjardins naît le 17 septembre 1858 à Sorel. À sept ans elle entre au couvent Notre-Dame-de-Toutes-Grâces dirigé par les Sœurs de la Charité. Elle en ressortira à seize ans après y avoir appris à devenir une bonne épouse, à dire des prières et à effectuer des travaux d’aiguille. Elle y apprend également à lire, à écrire, à compter, à gérer l’économie domestique et à tenir les comptes. Son avenir se dessine.

À Lévis, tout juste sortie du couvent, Dorimène croise Alphonse Desjardins, journaliste au Canadien – un quotidien conservateur de la ville de Québec. Bien qu’ils aient le même nom de famille, ils ne possèdent pas de lien de parenté. Alphonse, qui assiste à un débat à la Chambre des communes portant sur les prêts usuriers, réalise que cette organisation du crédit condamne les petits emprunteurs à se tourner vers des prêteurs pratiquant l’usure et que jamais le petit emprunteur ne pourra se payer une maison. Il étudie diverses approches quand il se penche sur le crédit populaire en Europe, un modèle de crédit coopératif qui permet au peuple de s’enrichir. Le 6 décembre 1900, Dorimène et Alphonse Desjardins fondent ensemble la première Caisse populaire en Amérique du Nord, à Lévis. L’établissement ouvre ses portes le 23 janvier 1901. Le Mouvement Desjardins, qui deviendra le plus grand groupe financier coopératif de langue française en Amérique du Nord vient de naître.

Dorimène fait partie des 132 signataires du « Pacte social » mais aurait participé informellement à l’élaboration des statuts et des règlements du mouvement. Elle devient officieusement gérante de la Caisse populaire de Lévis en plus de s’occuper de ses dix enfants. Dorimène poursuit son travail dans le mouvement coopératif et joue un rôle de premier plan dans la fondation de plus de 140 succursales au Québec, en Ontario et aux États-Unis. En 1915, 

Elle devint veuve en 1920 et, en tant que dépositaire de la vision et de l’autorité morale de son mari, elle exerça son influence pour s’assurer que les caisses populaires évoluent dans la direction qu’avait mise de l’avant Alphonse Desjardins et elle. De plus, Dorimène Desjardins incarne la contribution de nombreuses femmes qui ont participé à la mise sur pied ou au fonctionnement d’une coopérative ou d’une entreprise familiale, en plus d’avoir été un modèle d’engagement pour les femmes au sein des caisses populaires Desjardins. Dorimène devient la gardienne de la mémoire des Caisses et conserve une forme d’autorité morale sur le mouvement. Tout au long des années vingt, elle joue un rôle de premier plan dans la fondation de l’Union régionale des caisses populaires Desjardins du district de Québec. En 1923, elle est nommée vice-patronne du conseil et en devient membre honoraire. Son rôle, toujours discret jusque-là, émerge enfin au grand jour.

Dorimène Desjardins décède le 14 juin 1932 à l’âge de 73 ans. Les caisses populaires lui organisent d’imposantes obsèques à Lévis. Cette grande dame, à qui on reconnaît force, intelligence, compétence et esprit d’entreprise, est louangée par l’Action catholiquequi voit en elle « … l’une des femmes les plus au courant de la question économique considérée du point de vue social ». Ce journal souligne aussi le rôle crucial qu’elle a joué au sein des caisses populaires en affirmant que : « Sans elle, reconnaissons-le, les caisses populaires Desjardins n’existeraient probablement pas ». La présidente de l’organisme non gouvernemental, Pauline Green dit : « Dorimène a agi comme une directrice générale, sans avoir le titre. Sans salaire. Simplement pour créer un monde meilleur ». Elle laisse en héritage ce qu’il y a de plus précieux pour un peuple : la fierté. Cette femme immense comme le Québec, a donné à son peuple les moyens de se tailler un avenir prospère. 

Les caisses populaires (Mouvement Desjardins), l’œuvre de ces deux grands personnages, occupent une place de choix dans l’histoire du mouvement coopératif canadien; elles ont été désignées événement historique national en 1984. Reconnue du temps de ses contemporains, la contribution de Dorimène Desjardins au mouvement des Caisses populaires va néanmoins tomber dans l’oubli pendant quelques décennies. Les Caisses elles-mêmes vont longtemps miser sur Alphonse Desjardins comme figure emblématique du mouvement.

La reconnaissance du rôle de Dorimène est relativement récente. Elle est le fruit de la recherche effectuée au début des années 1990 par des historiens amateurs et professionnels. Cette contribution féminine au Mouvement Desjardins fut notamment mise en évidence par le fait que plusieurs succursales des Caisses populaires ont été fondées dans des maisons privées et qu’elles étaient tenues par des femmes. Depuis, Dorimène Desjardins a été officiellement reconnue comme cofondatrice du Mouvement Desjardins. Lors des festivités entourant le centenaire des Caisses populaires, l’image de Dorimène aux côtés d’Alphonse fut largement exploitée. Aujourd’hui, un parc à Sorel-Tracy porte son nom et un monument à Lévis a été élevé à la mémoire du couple Desjardins. En 2008, elle est devenue la première femme laïque à être honorée sur la Colline parlementaire de Québec. Le 8 mars 2012, Pauline Green, présidente de l’Alliance coopérative internationale, soulignait la contribution exceptionnelle de Dorimène Desjardins à l’avancement de la condition féminine et à la diffusion de l’idéal coopératif. Quelques mois plus tard, le 5 octobre 2012, le gouvernement du Canada annonçait la désignation de Dorimène Desjardins comme personnage historique d’importance, soit plus de 40 ans après celle de son mari.

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