Je ne sais plus quoi dire…
Blogue de la présidente, le vendredi 23 avril 2021.
Je suis devant mon écran d’ordinateur, et je viens d’apprendre qu’il y a eu un autre féminicide au Québec.
Le triste bilan de 2020 est déjà dépassé. Je ne sais pas quoi dire…
Ce qui m’interpelle beaucoup, c’est le fait que les personnes qui côtoyaient ces familles ne peuvent pas s’expliquer ce qui s’est passé. En apparence, tout allait bien. Avec le recul, d’autres s’en veulent de ne pas avoir su décoder à temps les signes qui ont été lancés avant le drame. Incompréhension, cœurs brisés, deuils…
Des questions sans réponses
D’où vient cette violence ? Comment a-t-elle fait pour grandir ? Le processus judiciaire doit-il changer ? Comment éduquer à la non-violence ? Un bracelet électronique pour les personnes reconnus coupables ? Comment être à l’écoute ? Des ressources débordées ? Des thérapies obligatoires pour briser la violence ? Est-ce un effet collatéral de la pandémie ? Une pandémie dans la pandémie ? L’éducation des enfants fait défaut ? De la colère refoulée ? Des agresseurs eux-mêmes victimes ? Réinsertion sociale non réussie ?
De la peur
Ces tragédies suscitent des vagues de sympathies en même temps que de l’indignation. Comment avons-nous pu laisser venir ces choses qui étaient annoncées d’avance ? Depuis des années, les maisons d’hébergement ne peuvent qu’éteindre les feux et le nombre de logements sociaux est insuffisant pour répondre à la demande de ces femmes qui osent quitter un conjoint possessif, jaloux ou violent. Où ces femmes peuvent-elles aller pour espérer un futur plus normal ? Je comprends leur peur et leur hésitation. L’urgence d’agir !
Parlons-en
Notre système incite les femmes à porter plainte si elles veulent que des moyens soient pris par la justice. Elles hésitent à le faire officiellement, de peur des représailles. Parlons aussi de l’entourage qui n’ose pas dénoncer parce que…. N’oublions pas de parler de ces hommes qui ont, eux aussi, besoin de services de soutien et d’accompagnement.
Il n’est pas normal qu’un homme violent puisse se promener dans la rue la tête haute et le dos bien droit, alors que les femmes qui vivent une situation de violence doivent se faire discrètes et raser les murs ou encore se cacher, comme si elles étaient des coupables. Il est temps de parler du vrai problème.
Certaines personnes pensent que ces femmes n’ont pas à subir, et qu’elles n’ont qu’à quitter ces partenaires. Trop facile ! Si vous êtes de ceux et celles qui pensez que ces femmes doivent réagir ou qu’il serait facile de réagir (parce qu’il y en a, croyez-moi), aidez à aider sans aucun jugement. C’est une urgence ! Une majorité de victimes de violences conjugales se culpabilise et croit, la plupart du temps à tort, qu’elles sont responsables de la violence qu’elles subissent.
L’éducation
À une époque pas si lointaine, la jeune fille était éduquée à l’obéissance et valorisée lorsqu’elle était douce et dévouée. Le jeune garçon, quant à lui, était éduqué pour conquérir et reconnu comme un vrai gars lorsqu’il utilisait la force et la ruse. Chaque cas de violence conjugale est unique, mais nous pouvons dire qu’il s’agit d’un phénomène mondial où les hommes utilisent leur pouvoir pour dominer leur partenaire. Les causes de la violence conjugale sont compliquées et complexes. Elles proviennent en partie de l’éducation, des préjugés envers les femmes ou encore des privilèges que s’accordent quelques hommes. En fait, la violence conjugale est le résultat des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. Comme le dit si bien David Goudreault dans sa « Lettre aux p’tits gars » : L’humanisme passe par le féminisme tant qu’on n’aura pas atteint l’égalité ; tant que la sécurité ne sera pas un bien commun pour toi comme pour elle.
Un fléau
La violence faite aux femmes est un fléau. Toutes et tous nous devons nous en sentir responsables. C’est un fléau qui concerne toute la société.
Je suis encore assise devant mon écran qui se remplit tranquillement de mots, et on annonce un 10e féminicide en 10 semaines au Québec. Les mots seuls ne suffisent pas. Je pleure. Je ne sais plus quoi dire…
Lise Courteau, présidente de l’Afeas